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Extraits du "Dictionnaire de la tolérance et de la citoyenneté"  :

"Tolérance :

C’est le respect de la liberté d’autrui. C’est le contraire de l’étroitesse de l’esprit, c’est être ouvert sur des possibles. Mais cette attitude n’est pas innée ; elle se construit. Faisons de la tolérance un concept dans le sens exprimé par Gilles Deleuze: « Le concept, c’est ce qui empêche la pensée d’être une simple opinion, un avis, une discussion, un bavardage. Tout concept est un paradoxe, forcément. »...

...Mais voilà, il s’agit d’un premier acte d’humanité vers autrui, aussi provisoire soit-il. C’est un premier acte politique lorsqu’une communauté accepte de reconnaître la pluralité.

Qu'elle soit ethnique, religieuse, philosophique ou politique, cette reconnaissance est fondamentale. Plus qu’une vertu, elle est un devoir éthique.

 Tolérer, cela peut être endurer en silence, résister au mal, patienter devant une erreur, être indulgent vis à vis du fautif, être respectueux de la parole, des idées différentes, intégrer l’autre dans sa propre approche.

C’est aussi accueillir l’autre chez soi sans perdre son identité, ni la sienne, ni la nôtre. De fait, le mot Tolérance doit être rapproché de son historicité. Selon la période, les systèmes y donnent des significations et des valeurs différentes : assimilation, accueil, complicité, endurance, indulgence, patience, pitié, perméabilité, résistance, respect, souffrance...

... Il n’a de valeur qu’en rapport avec comment réagit un système vis à vis d’autrui. S’il est prêt intérieurement à accueillir l’autre, l’étranger, sans perdre l’essence de ses propres valeurs, là il peut être tolérant. D’où aussi l’expression qui émerge parfois : atteindre le seuil de tolérance quand il s’agit d’assimilation, d’intégration.

Selon déjà Aristote, c’est connaître (naître avec), devenir la chose connue, sans perdre son identité.

...A partir de l’écoute d’autrui, d’une possible conversion a lieu le dialogue, l’échange d’idées. Mais pour que cet échange ait lieu, c’est aussi accepter la nouveauté, la transgression de pré-acquis culturels, de lever les interdits à-priori. C’est donc là que se couple l’autre concept, celui du tolérable, de ce qui est humainement tolérable. Je dis bien humainement car il ne peut y avoir une tolérance ou une intolérance abstraite, pas plus qu’objective. La tolérance suppose la liberté, voire elle la précède. Dans l’histoire, l’une et l’autre agissent dans la continuité. Mais la tolérance procède du relatif, de l’ouverture sur des possibles. Elle fait partie d’une logique de responsabilité vis à vis d’autrui.

... Qui dit tolérance, dit aussi réciprocité. Contrairement à une bienveillante indulgence d’une civilisation qui se croit supérieure à d’autres et par là s’octroie le droit de pitié, ou d’une certaine tolérance, il est nécessaire de pouvoir se laisser convaincre par les arguments d’autrui. Donc, il s’agit de croire également à un autrui qui a la même valeur que soi, même si elle est différente. C’est le contraire de la méfiance, de la peur. C’est aussi le contraire de l’indifférence.

...La tolérance est une action difficile, qui pose de nombreuses questions mais qui n’a qu’une réponse en tant qu’acte, celui de tolérer et d’être toléré. En effet, tolérer ce qui est caché ou dans l’ombre est plus facile. C’est ce qui est visible ou montré qui est plus facilement intolérable. Il est plus facile de « fermer les yeux » que d’accepter la différence. Que pouvons-nous tolérer qui ne soit pas de l’indifférence ? C’est à ce combat que nous sommes confrontés. Il n’est pas possible de définir avec certitude si nous sommes tolérants lorsqu'il n’y a pas confrontation. C’est au moment d’un conflit, d’une confrontation que l’autre risque de devenir le bouc-émissaire ou l’ennemi.

Si je reprends la question du combat, c’est aussi parce qu’en tant que substantif, tolérer, c’est aussi son synonyme Supporter, au sens de supporter d’une équipe.

L’autre idée aussi de Supporter peut s’examiner à travers un exemple proposé par Jean Borreil. « La tolérance, ce n’est pas supporter, sous prétexte que votre voisin est africain, qu’il vous réveille au milieu de la nuit par un concert inopiné, c’est de traiter votre voisin comme un singulier en lui faisant savoir clairement qu’il vous arrive de dormir passé la mi-nuit. »