Ballades haibun
Dans cette page, deux haïbun de Patrick Simon
Promenade automnale à Montréal, 2006
Le jour de l’Action de grâce est congé dans toute l’Amérique du Nord. Et j’ai remarqué qu’au Québec, ce jour était empreint d’un rituel automnal. Chacun range ses affaires d’été, les balcons se dépeuplent de leurs tables et chaises de jardin. Et moi, j’ai décidé de prendre une marche au gré des rues Saint-Denis et Drolet. Entre le nord de la ville et son centre urbain, j’aime flâner et regarder au tour de moi. Et aujourd’hui est d’autant plus plaisant qu’il fait beau. Les rayons de soleil caressent mon visage. Un petit vent parfois me fait sentir les feuilles séchées. Pour certains, c’est Dieu qui a fait l’automne avec ses belles couleurs. Pour d’autres, c’est juste le temps de repeindre les escaliers avant les tourments de l’hiver.
Dans les rues, c’est parfois un tapis improvisé, aux multiples couleurs. Pas encore de neige, de si belles feuilles. Et encore le temps des vélos qui circulent dans nos rues.
Parfois, je préfère quitter ma rue, la Saint-Denis, celle qui descend de haut en bas la ville, entre une rivière, un des bras du fleuve, et le fleuve lui-même, au sud de l’île. Alors je tourne sur la rue Drolet, dès que se montrent ces belles maisons de ville, avec leurs escaliers de fer, descendant droit, été comme hiver. la rue est vide, parfois. À d’autres moments, une personne marche sur le trottoir. Souvent, elle me dépasse. Je prends le temps de poser avec mon appareil numérique ces maisons victorienne et américaine à la fois.
Les voitures qui circulent ne sont pas toutes équipées de leurs pneus d’hiver. Mais certains conducteurs l’ont fait. Car, dans une à deux semaines, ce sera l’affluence et la longue attente.
Parfois, les rues sont entrecoupées d’usines ou de voies qui barrent le paysage et il faut passer en dessous. Alors, j'aime carrément replonger dans le métro comme aux premiers jours où je vivais à Montréal, encore sans voiture. C’est là aussi, paradoxalement que j’ai fait mes premiers poèmes en forme de haïku ou de tanka, dans cette modernité. Ou alors sur les bords du fleuve ou de son affluent, la Rivière-des-Prairies…
Puis, dès le quartier Mont-Royal, je ressors en surface et je m’imprègne à nouveau de la vie automnale, faite de promenades ou de pause café ou autres breuvages. Les gens prennent le temps et montrent encore des vêtements légers, même si les vitrines nous dévoilent les vêtements d’hiver si prompts à nous cacher, à nous protéger d’un seul baiser. Les terrasses de café ou les bancs des parcs sont pris d’assaut.. Des étudiantes parlent en marchant, des personnes plus âgées ou tout simplement nonchalantes, prennent juste le soleil.
Ma ballade s’achève face au buste de Émile Nelligan, le poète de Montréal. Il est non loin de la Maison des écrivains mais il est surtout proche des badauds qui sillonnent le Parc Saint-Louis et son jet d’eau. Dans le luxe, le calme et la volupté de cette fin d’après-midi, se hâte seulement un écureuil ; il prépare ses repas d’un hiver pas si loin.
Puis, vient le temps de rentrer. Alors, je reprends le métro bleu et blanc dans les entrailles de la ville et je remonte doucement vers ma rue de Saint-Denis. Octobre n’a pas encore donné son été indien. Il me restera d’autres ballades à faire à Montréal.
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