Kasen sur la lune

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De Amel Hamdi Smaoui, Florence Murphy et Patrick Simon

Un kasen :

Lune d’un continent à l’autre

(Paru dans la Revue "Haïkaï" de décembre 2006

 

 

A peine voilée,                         PS

La lune nous observe.

Jeux d’ombres sur nous.

 

A peine un océan va –

D’un continent à l’autre.

 

Pleine ou moitié,                     FM

Elle se dénude

Pour nos étoiles.

 

Belle, mystérieuse,

Rayons des origines.

 

Sautillant légère                        ASH

De vous à moi sa lueur

Offerte en partage

 

Nos secrets à mots couverts

A la messagère confiés

 

Elle veillera                                PS

De longues nuits aussi noires

Que l’ébène

 

Éclairant mes écritures

A l’équinoxe d’automne.

 

Et s'endormira                         FM

A l'aurore humide,

Émotions perlées.

 

Je pleurerai sa perte :

Du ciel, elle s'est effacée.

 

Compagne du soir                      AHS

Pour rejoindre mon autre

Serais-tu partie ?

 

Et voguent mes pensées loin

Lui empruntant ses vaisseaux

 

 

 

Soleil d’automne                        PS

Aux journées déjà courtes

Retrouve Vénus.

 

Les vents mauvais me rappellent

Toutes mes frayeurs d’enfant.

 

Alors, j’appelle                           FM

La lune, belle âme,

Qu’elle me berce.

 

Dans ses bras doux et amis,

Je me laisse rassurer.

 

Un nuage arrogant                        AHS

Vient à passer, l’éclipse

J’ai froid !

 

D’un gracieux pas de danse

Elle l’esquive, me revient

 

Dans la nuit d’automne                      PS

Plus qu’elle pour nous éclairer.

Où sont les étoiles ?

 

Peut-être au bal du solstice…

Pour plaire une dernière fois.

 

Et moi, je suis là,                            FM

Seule avec mon amie

La lune ronde.

 

Qui me conte les folies,

De tous mes frères d’armes.

 

Soudain dans la nuit                         AHS

Déchirant le silence

Un cri de guerre

 

Ou est-ce un cri d’amour                  FM

Si proche de la haine ?

 

Je vais questionner                             PS

La lune, mon oracle

Ma confidente.

 

Le visage hier impassible                   AHS

Me renvoie ses tourments

 

 

Je lui demande                                    FM

Si toujours tu m’aimeras,

Tu m’aimais, avant.

 

C’est dans ses yeux pleins d’étoiles       PS

Que tu trouveras réponse.

 

Mais…déjà, le soleil                            AHS

Serais-tu Shéhérazade

Lune amie ?

 

Pourtant mille et une nuits                    FM

Non, jamais ne suffiront.

 

Pour admirer tant                               PS

Cette lune si proche

De chacun de nous.

 

Parfois un rayon se pose                  AHS

Doigt caressant le visage

 

De l’être aimé,                                  FM

Oh, si lointain rivage,

Tu voulais plonger.

 

Juste une dernière fois                       PS

Dans un éclair de lune.

 

Des larmes glissent                          AHS

Dans le froid de la nuit-

Croisée des chemins

 

Où seras-tu, mon ami,                    FM

Quand la lune s’éteindra ?

 

 

Le poème lié est une forme étrange pour les Occidentaux. La première caractéristique du poème lié est qu'il s'écrivait avec la collaboration de plusieurs poètes réunis en un même lieu pour une séance d'écriture, ou plutôt pour une joute dans laquelle chacun intervenait à tour de rôle. En Amérique, un renku se fait généralement par téléphone, par la poste ou encore par courrier électronique.

Deux autres caractéristiques. La forme est fixe; le premier chaînon et les chaînons impairs sont des tercets de 17 (5/7/5) syllabes, et le deuxième chaînon et les chaînons pairs sont des distiques de 14 (7/7) syllabes. Traditionnellement, un renku est constitué de 36 chaînons, et est appelé kasen.